Traitement de l’infertilité associée à une endométriose profonde : définition et stratégie thérapeutique

Traitement de l’infertilité associée à une endométriose profonde : définition et stratégie thérapeutique

Traitement de l’infertilité associée à une endométriose profonde : définition et stratégie thérapeutique 0 0 GynécoMarseille

« Primum non nocere » et association de bienfaiteurs.
Outils critiques à la prise de décision : endométriose profonde et infertilité.

Par le Dr Estrade Jean-Philippe (Centre 1305 – IMR/Clinique Bouchard – Marseille)
04/02/2016 Article commenté : Treatment of infertility associated with deep endometriosis: definition of therapeutic balances Somigliana E, Garcia-Velasco JA Fertil Steril. 2015 ; 104(4):764-70.

L’endométriose profonde (EP) associée à une infertilité nécessite une réflexion exigeante tant le lien entre ces deux phénomènes reste incertain encore à ce jour. Le but de cette revue de la littérature est d’éclairer la prise en charge des patientes infertiles et souffrant d’endométriose profonde, de décrire l’impact réciproque des pathologies et de leur traitement et, enfin, de mieux prévenir les risques obstétricaux dans ce contexte. La méthodologie repose sur une revue de la littérature dirigée pour donner un article d’opinion ayant pour but de fournir au lecteur quelques outils critiques à la prise de décision. Une recherche sur PubMed a été effectuée entre janvier 2000 et juin 2015 incluant différents mots clés : « profond » ou « invasif » ou « infiltrante » combiné avec « fertilité » ou « infertilité » ou « laparoscopie » ou « chirurgie » ou « grossesse » ou « technologie d’assistance à la reproduction » ou « in vitro fertilisation » ou « FIV » ou « ICSI » par 2 investigateurs. Endométriose et infertilité : critique du rôle des facteurs confondants L’EP est rarement isolée et bien souvent associé pas des adhérences pelviennes, des implants superficiels, endométriomes et adénomyose. En effet, seules 6% des patientes ont un nodule d’EP isolé (Somigliana 2004). Chaque lésion endométriosique peut avoir un impact indépendant sur l’infertilité, ainsi que la symptomatologie douloureuse sur la qualité des rapports sexuels.

Mais c’est l’association forte de l’EP et de l’adénomyose (un facteur de risque jusqu’à OR=3 (95% CI : 2,4-4,1) pour Di Donato en 2014 par rapport aux autres formes d’endométriose) qui expliquerait le mauvais pronostic de fertilité (OR=0,3 Vercillini 2014) dans cette situation. Impact de l’EP sur la fertilité spontané (FS) et bénéfices de la chirurgie Il reste évident à ce jour qu’une patiente atteinte d’EP peut être fertile. La question est d’en déterminer la probabilité en fonction d’innombrables variables. Dans les stades précoces de l’endométriose, la chirurgie semble montrer une efficacité significative (18% vs 26% après chirurgie pour Marcoux 1997 et Parazzini 1999) sur la probabilité de FS. Dans l’EP isolée, Vercillini (2006) ne montre pas de différence significative (36% vs 34%). Cette étude non randomisée est donc en contradiction avec plusieurs revues de la littérature concernant les résultats sur la fertilité. La littérature s’accorde sur le fait que les résultats sont positifs pour la douleur et la qualité de vie. L’évaluation de la fertilité reste sous l’influence des facteurs confondants résumés dans la table 1. Impact de l’EP sur la fécondation in vitro (FIV) et bénéfices de la chirurgie.

De nombreuses données corroborent un effet positif de la FIV sur le taux de grossesse en cas d’EP, les résultats variant de 29% à 68 % de grossesse. Les auteurs soulignent que les résultats FIV sont plus interprétables que les séries chirurgies car le taux de grossesse est directement imputable à la procédure FIV. La question est de savoir quelle est l’influence de l’EP sur les résultats en FIV et donc l’efficacité potentielle de la chirurgie dans cette situation. Une étude prospective publiée par Bianchi en 2009 répond partiellement à cette question : le taux de grossesse était de 24% vs 41% dans le groupe opéré (p=0,04). Cette différence parait encore plus marquée en cas d’endométriome (48% vs 77% pour Ballester 2012). L’hétérogénéité des lésions sur le plan anatomique et physiopathologique peut expliquer que l’association chirurgie FIV détourne certains facteurs de mauvais pronostic de fertilité. Cependant un facteur de mauvais pronostic reste isolé et péjoratif : l’adénomyose.

Selon une méta-analyse, l’adénomyose impacte négativement les grossesses de 0,7 et positivement les fausses couches de 2,1 (Vercellini 2014). Les auteurs évoquent également le rôle des chirurgies itératives sur l’altération de la réserve ovarienne. Risque de la FIV et de la grossesse en cas d’EP La stimulation ovarienne peut théoriquement participer à la progression d’une endométriose profonde. Quelques publications relatent des accidents rares en pratique clinique mais potentiellement graves suite aux protocoles FIV, notamment des lésions ovariennes, pulmonaires, urétérales et rectales nécessitant une intervention chirurgicale.

Bien que rares, ces événements doivent cependant être pris en compte dans l’information des patientes et le choix stratégique des traitements. Lorsqu’une grossesse est obtenue, des complications restent potentielles avec un taux significativement plus élevé de fausses couches, hypertension artérielle, prématurité et placenta praevia (OR=5,8 Vercillini 2012). L’attitude obstétricale devra être adaptée en fonction notamment des antécédents chirurgicaux de la patiente (césarienne si chirurgie lourde).

Conclusions Les facteurs confondants entre EP et infertilité sont encore à ce jour à éclaircir afin d’améliorer la stratégie thérapeutique.

Gardons à l’esprit qu’une patiente avec EP peut être infertile et que les lésions d’EP ne sont pas forcément la cause de l’infertilité. La place de la chirurgie seule sur les résultats en terme de fertilité est complexe à évaluer de par son absence d’action directe dans le processus de conception, à l’opposé de la FIV. L’extrême variabilité de la qualité de l’acte chirurgical constitue également un biais non négligeable, ce qui pose la question de la nécessité d’individualiser des centres chirurgicaux dits « experts ». La place de la FIV reste également complexe à évaluer du fait de l’hétérogénéité des résultats. L’association des deux techniques dépendra des données de l’infertilité et de la symptomatologie douloureuse de la patiente. La chirurgie prendra sa place chez les patientes douloureuses et/ou en échec de FIV ou dans l’espoir d’une grossesse spontanée en cas de paramètres biologiques normaux.

Dans tous les cas une information claire sur toutes les possibilités sera donnée aux patientes afin d’obtenir une adhésion au projet thérapeutique.

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